Être fidèle à soi-même

Je viens de retrouver un texte de Jacques salomé et j’ai eu envie de le partager.
 
« Je mesure le chemin parcouru depuis les tâtonnements de ma jeunesse. A cette époque, je recherchais surtout l’approbation de tous ceux qui croisaient ma route, j’avais besoin à tout prix de plaire et surtout de ne pas mécontenter ou faire de la peine à tous ceux que je rencontrais. Je voulais être accepté inconditionnellement et donc je m’appliquais avec beaucoup de soins à me présenter sous le jour que je croyais le plus favorable pour moi. Bref je ne me respectais pas beaucoup, j’étais loin d’être fidèle à moi-même.
 
J’ai mis beaucoup de temps pour sortir de ce conflit sans cesse réactualisé entre pseudo fidélité à l’autre et pseudo fidélité à moi-même.
 
Un chemin de liberté s’est dessiné peu à peu pour moi, sans culpabilité vis à vis d’autrui, dans une certaine douceur et force tranquille, quand j’ai pris le risque de me définir dans ma différence, d’affirmer mes seuils de tolérance vis à vis de telle relation ou tel comportement proposé par l’autre, d’exprimer mes ressentis réels ou de me positionner sans avoir besoin de m’enfermer dans le silence ou la bouderie.
 
Je me souviens par exemple de la façon dont, au début de ma vie d’adulte, j’abordais un obstacle ou une situation pénible de façon si défensive que cela déclenchait une succession de réactions en chaines qui mobilisaient l’essentiel de mes énergies, sans faire progresser pour autant la situation et dont le résultat m’entraînait à me victimiser encore plus.
 
Quand je vois tout l’éventail des possibles qui s’offrent à moi aujourd’hui : comme de ne pas entretenir l’opposition mais de favoriser l’apposition, de ne plus cultiver l’affrontement mais de rechercher la confrontation, de m’appuyer sur les points communs au lieu de mettre en évidence les antagonismes, de ne plus me laisser définir par l’autre mais de prendre le risque de me situer, de m’affirmer, de recadrer les situations en ne prenant plus le problème de l’autre sur moi. Une des positions relationnelles qui m’a fait le plus progresser c’est de ne pas garder en moi ce qui venait de l’autre quand ce n’était pas bon pour moi et d’oser restituer les messages toxiques (mots ou comportements) qui me blessaient.
 
J’ai appris à faire alliance, à trouver la bonne distance, à relativiser et surtout à ne plus entretenir du ressentiment, à prendre le risque d’un conflit ouvert plutôt que de rester dans des non dits et des ruminations stériles.
 
Entre tout et rien il y a une foultitude de possibles qui peuvent être explorés et vécus.
 
En ce moment autour de moi, il y a beaucoup de changements : des relations qui s’étiolent, des décès, des êtres qui paraissaient fiables et qui se dévoilent plus versatiles, un approfondissement des ressources et des bienfaits de la solitude, une réconciliation avec mon corps qui s’épuisait à m’avertir d’être plus vigilant et même plus bienveillant avec lui…
Je tente de savourer la vie avec lucidité et tendresse comme un cadeau qui se renouvelle chaque jour.
 
J’avance en me tenant le plus droit possible, même si l’une de mes jambes traîne un peu, je l’encourage à tenir bon, à m’accompagner encore. Nous avons tant à découvrir. »
 
– Jacques Salomé – psychosociologue et écrivain
Publié dansBlog